Chapitre 4 L’indépendance volée (1959-1960)
« Le fruit de notre conquête historique vient d’être ravi à l’issue d’une véritable coalition de l’impérialisme international. Nos ennemis intérieurs et extérieurs sont décidés et ils utiliseront l’indépendance comme nouveau moyen d’imposer la domination étrangère sur notre pays. »
Lettre envoyée du Bureau d’information de l’UPC de Rabat, 14 mars 1959.
Contrairement à ce que prétend la propagande officielle dans ces années de braise, les responsables de l’UPC ne sont pas des illuminés. La consultation des archives politiques, diplomatiques ou militaires de l’ex-puissance coloniale un demi-siècle plus tard prouve au contraire qu’ils voient très clair dans le jeu des dirigeants français. C’est du reste parce que Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, Ernest Ouandié et leurs camarades font preuve d’une détermination à toute épreuve que leurs adversaires ne trouvent d’autres moyens pour les faire taire que d’employer la force - ou le meurtre.
Alors que, dans d’autres territoires, les responsables français parviennent à faire plier les géneurs, en les dupant ou en les achetant, au sens parfois littéral du terme, ils se trouvent sur le théâtre camerounais confrontés à d’habiles stratèges qui, malgré leurs moyens dérisoires, parviennent à déjouer la plupart des pièges qui leur sont tendus. Entre les lignes de ces mêmes archives, certains officiels français laissent même filtrer une certaine admiration pour leurs ennemis, là où leurs supposés « amis », les alliés locaux qui reçoivent les éloges de la presse officielle, sont décrits dans les rapports confidentiels comme de simples pions.
La bataille qui s’engage en 1958 autour de l’indépendance du Cameroun, que les dirigeants français doivent se résoudre à concéder, est à nouveau l’occasion d’un affrontement entre les Français et les dirigeants de l’UPC. Un affrontement qui se joue autant sur les tribunes internationales que dans les maquis camerounais.